Tel Aviv (Agence Fides) - "Nous vivons des temps de guerre traumatisants. Tous les membres de notre École de la Paix sont choqués et attristés par les atrocités incompréhensibles commises par le Hamas et par la réponse meurtrière et vengeresse qu'Israël est en train de préparer à Gaza. En outre, la guerre sert de prétexte pour commettre délibérément de nouvelles atrocités, alors que les citoyens palestiniens d'Israël sont massivement réduits au silence et persécutés, et que la violence des colons juifs, soutenue par l'armée, s'accroît en Cisjordanie. Le cercle vicieux de la violence, de la terreur et de la punition déchire l'âme", écrit Roi Silberberg, citoyen juif israélien, directeur de l'"École de la paix" dans le village de "Neve Shalom-Wahat al Salam", littéralement "Oasis de paix", créé en 1972 par le dominicain Bruno Hussard, dans les collines entre Jérusalem et Tel-Aviv, pour offrir un exemple de coexistence entre les deux peuples en Terre sainte. Une soixantaine de familles israéliennes et palestiniennes vivent ensemble dans le village et envoient leurs enfants dans une école primaire commune.
L'école de la paix est un lieu où les gens partagent leurs sentiments, leurs craintes, leurs rêves, se rencontrent, étudient, suivent une formation et apprennent une "méthodologie" et une pédagogie de la rencontre avec l'autre. Fondée en 1979 comme centre d'apprentissage tout au long de la vie, Roi Silberberg rappelle son objectif, à savoir "promouvoir des relations plus humaines, fondées sur la paix et la justice", rappelant que "c'était la première institution éducative en Israël avec une nouvelle approche, visant à la réconciliation et à la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens".
Depuis le 7 octobre, "Neve Shalom-Wahat al Salam", ainsi que "l'école de la paix", ont subi un choc. La douleur causée par la nouvelle flambée de violence a ébranlé les fondements de cette expérience. "Dans des conditions de stress et d'incertitude, une réaction naturelle pourrait être de rester silencieux et d'attendre passivement que les événements se déroulent. Mais parler, c'est réfléchir, et dans des moments aussi catastrophiques, il est important de réfléchir ensemble. Nous considérons qu'il est de notre responsabilité de faciliter une réflexion et un dialogue sincères, bien que difficiles, en cette période désastreuse de l'histoire. Ce n'est que par l'engagement que nous pouvons reconnaître la douleur de l'autre et rester en contact humain, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières. Dans un climat de polarisation, de déshumanisation et de perception de l'autre comme un ennemi, notre mission aujourd'hui est d'éduquer à voir l'autre comme un être humain", déclare-t-il. "Même si nous ne sommes qu'une goutte d'eau dans une mer agitée, nous continuons à nous battre pour une société égalitaire, juste et démocratique, en utilisant les outils que nous avons développés au fil des ans, en nous appuyant sur la confiance durement gagnée par l'École de la paix, les organisations juives et les Palestiniens qui ont suivi nos voies de dialogue et d'éducation au fil des ans.
En ces temps sombres où "même les artisans de la paix sont regardés avec suspicion ou hostilité", note-t-il, l'École de la paix s'est retroussé les manches, impliquant adultes et enfants : "Depuis le début de la guerre, nous avons organisé des sessions de dialogue en ligne pour nos groupes binationaux déjà actifs. Et nous avons répondu à la demande des habitants de nos villages d'organiser des sessions de dialogue sur la guerre et son impact sur leur vie quotidienne, dans des espaces traditionnellement "mixtes" à l'échelle nationale", comme les écoles, les hôpitaux et les lieux de travail où vivent côte à côte des Israéliens juifs et des Palestiniens arabes", note-t-elle. En outre, poursuit-il, "nous avons lancé notre nouveau programme de dialogue entre Palestiniens et Israéliens vivant en Europe et mené plusieurs sessions de consultation avec divers établissements d'enseignement supérieur et de santé". Les témoignages de coexistence offerts aux médias et la collaboration avec d'autres organisations de défense des droits de l'homme en Israël, qui "appellent au respect des civils des deux côtés", n'ont pas manqué.
"L'Ecole de la Paix", souligne le directeur, "s'engage à construire la paix à travers des activités éducatives, même dans les moments les plus sombres. Il est impossible de prévoir les conséquences de ces événements dans notre société, mais nous travaillons à évaluer les effets sur les relations judéo-palestiniennes, afin de définir notre engagement présent et futur, en nous appuyant sur les personnes, Israéliennes, Palestiniennes et d'autres nations, qui ont suivi nos cours et vécu une expérience dans notre village. Ce sont eux - 40 000 personnes, en 40 ans d'activité - qui sont appelés à être des promoteurs et des témoins de la paix et de la réconciliation".
Sur l'agonie que vit la population palestinienne de Gaza, soumise aux bombardements, coupée de toute communication et ne pouvant compter que sur l'aide humanitaire, Roi Silberberg exprime l'inquiétude de Neve Shalom-Wahat al Salam : "Les civils palestiniens nous ont dit qu'ils n'abandonneraient pas leurs maisons. Et lorsque le territoire se transformera en champ de bataille pour l'offensive de l'armée israélienne, même si seulement 10 % de la population de Gaza confirmait ce choix, il s'agirait d'un massacre de 200 000 civils, femmes, enfants et personnes âgées. Ce serait un véritable massacre. Il faut le dire et en être conscient. Dans cette situation tragique, nous devons nous efforcer de désamorcer la haine. En ce moment, essayons d'allumer nos torches dans les ténèbres qui nous entourent et d'être un modèle de paix, d'égalité et de justice".
(PA) (Agence Fides 30/10/2023)