AMÉRIQUE/ÉQUATEUR - Les protestations s'amplifient, l'état d'urgence est instauré dans six provinces, les Évêques appellent à "construire des ponts"

mercredi, 22 juin 2022 indigènes   eglises locales   droits fondamentaux   manifs  

Ecuavisa

Quito (Agence Fides) - Le gouvernement équatorien, dirigé par le président de la république Guillermo Lasso, a étendu l'état d'urgence, qui ne concernait auparavant que trois provinces, à six, donnant plus de pouvoirs à la police et restreignant la liberté de mouvement. Cette décision a été prise à la suite de violentes manifestations et de grèves qui se propagent dans plusieurs régions du pays, notamment dans la capitale, Quito.
Selon les informations recueillies par l'Agence Fides, les manifestations ont commencé dans le sud de l'Équateur lundi 13 juin, avec une grève organisée par la Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur (Conaie), qui regroupe plusieurs groupes dans le pays, où les indigènes représentent 25% de la population. Les manifestants accusent le gouvernement de ne pas être capable de contenir l'inflation, l'augmentation des carburants et des produits de première nécessité ; de ne pas résoudre les problèmes structurels du pays, tels que la corruption, l'inefficacité du système de santé et le chômage ; ils demandent également le respect des droits fondamentaux et l'attribution de subventions aux familles en difficulté. Le gouvernement a réagi en annonçant certaines mesures, mais celles-ci n'ont pas été jugées suffisantes par les manifestants qui ont poursuivi leur mobilisation.
Au départ, les manifestations étaient pacifiques et contenues, puis elles se sont étendues à d'autres régions du pays, impliquant des allochtones (femmes, étudiants, syndicalistes) et prenant une connotation violente avec des blocages de rues, des dégradations de véhicules et de bâtiments publics, des affrontements avec la police et une partie de la population opposée à la grève. Certains travailleurs des médias ont été attaqués. Selon les organisations de défense des droits de l'homme, au cours de la première semaine de mobilisation, 61 personnes ont été blessées, dont 18 gravement, 86 arrestations, dont celle du président de la Conaie, Leonidas Iza, qui a été détenu pendant une journée et libéré sur parole. Lundi 20, le premier décès a été enregistré, un jeune de 22 ans, pour la mort duquel une enquête a été ouverte. Un deuxième décès est celui d'un indigène de 40 ans, qui a été tué lors des affrontements du mardi 21. Le ministre de l'Intérieur a indiqué que 61 policiers ont été blessés, 14 ont été saisis par les manifestants, 2 véhicules ont été détruits et 21 endommagés. Deux personnes seraient mortes alors que des barrages routiers empêchaient les ambulances de passer.
La Conférence épiscopale de l'Équateur a lancé un appel au gouvernement national, à la Conaie, aux mouvements sociaux et politiques, ainsi qu'à tous les hommes et femmes de bonne volonté, pour qu'ils "cherchent ensemble des solutions adéquates sur la voie du dialogue, en pensant avant tout au bien commun et au bien-être des plus pauvres de notre pays". Dans leur communiqué, daté du 15 juin, les évêques déclarent qu'en tant que citoyens et frères et sœurs, ils sont "profondément préoccupés par la situation sociale, économique et politique de la nation". Ils réaffirment donc : "Nous ne sommes pas sourds au cri de notre peuple qui demande des jours meilleurs pour tous, mais nous sommes également conscients qu'il s'agit d'un chemin que nous devons construire ensemble.
Regardant avec inquiétude le moment présent, les Évêques soulignent qu'aucun accord ne peut être conclu avec la violence, de quelque côté qu'elle vienne et sous quelque forme que ce soit, convaincus que "ce n'est pas le chemin que nous devons prendre si nous voulons construire un meilleur Equateur". Citant le pape François, qui parle d'une culture du dialogue, de la construction de ponts, de la nécessité de ne pas diviser mais d'unir, ils concluent en répétant : "En tant que pasteurs de cette Église, nous continuerons à marcher ensemble avec notre peuple, partageant les difficultés et les espoirs, animés par l'Évangile de l'amour et de la vérité, de la justice et de la solidarité".
Dans une interview accordée à la chaîne de télévision Ecuavisa, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Luis Cabrera, Archevêque de Guayaquil, a réitéré hier l'appel au dialogue lancé par l'Église aux parties au conflit : "le dialogue est la seule voie raisonnable et pratique pour parvenir à une solution qui profite à tous les Équatoriens". L'Archevêque a signalé que l'Église a reçu de certains groupes, mais pas officiellement, une invitation à participer à cette table de dialogue, pas essentiellement en tant que médiateur, et a ajouté que l'Église est toujours prête à apporter sa contribution, selon son expérience, ses capacités et ses possibilités.
En examinant les causes de cette situation, Mgr Cabrera a déclaré qu'il s'agit d'"un malaise social qui trouve ses racines dans l'extrême pauvreté, dans l'absence du minimum nécessaire pour vivre dignement, à commencer par le travail, la santé, l'éducation, l'alimentation... un autre facteur est la corruption administrative et enfin l'insécurité sociale". "Il est important que les parties aient la volonté de dialoguer, d'aborder les problèmes et de trouver des solutions qui profitent à tous les Équatoriens et pas seulement à des secteurs particuliers", a réitéré l'Archevêque, adressant enfin un appel au pays : "Tous les Équatoriens sont coresponsables de cette situation et je lance donc un appel à tous pour qu'ils soient les bâtisseurs d'une culture de la paix, fondée sur la justice, la liberté et la vérité". Soyons des bâtisseurs de ponts et non de murs !"
(SL) (Agence Fides 22/6/2022)


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