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Cité du Vatican (Agence Fides) - Être les « hérauts» « d'une diplomatie de l'espérance» qui donne à toutes les nations de la planète la possibilité de « dépasser la logique de l'affrontement » et d « embrasser » celle de la « rencontre », concrétisant ainsi les principes du Jubilé. C'est le vœu que le Pape François adresse au Corps diplomatique accrédité près du Saint-Siège lors de la traditionnelle rencontre de salutations du début de l'année, qui se tient dans la Salle de la Bénédiction.
À ce jour, 184 États entretiennent des relations diplomatiques pleines et entières avec le Saint-Siège. À ceux-ci s'ajoutent l'Union européenne et l'Ordre souverain militaire de Malte. Les missions diplomatiques accréditées auprès du Saint-Siège ayant leur siège à Rome sont au nombre de 90, dont celles de l'Union européenne et de l'Ordre souverain militaire de Malte. Les bureaux accrédités auprès du Saint-Siège de la Ligue des États arabes, de l'Organisation internationale pour les migrations et du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés sont également basés à Rome.
Le Souverain Pontife, arrivé en fauteuil roulant et accompagné du Cardinal Secrétaire d'Etat, le Cardinal Pietro Parolin, du Secrétaire pour les Relations avec les Etats, Mgr Gallagher, et de plusieurs fonctionnaires de la Secrétairerie d'Etat, a tissé son discours en suivant le fil rouge du Jubilé de l'Espérance, rappelant que le sens même du Jubilé est de « faire une pause » dans la « frénésie qui caractérise de plus en plus la vie quotidienne, pour se ressourcer et se nourrir de ce qui est vraiment essentiel », c'est-à-dire « nous redécouvrir enfants de Dieu et frères et sœurs en Lui, pardonner les offenses, soutenir les faibles et les pauvres, faire reposer la terre, pratiquer la justice et retrouver l'espérance. . C’est à cela que sont appelés tous ceux qui servent le bien commun et exercent cette forme élevée de charité – peut être la forme la plus élevée de charité – qu’est la politique. ».
En raison d'un refroidissement, l'évêque de Rome a confié la lecture de ce long discours à Mgr Filippo Ciampanelli, sous-secrétaire du Dicastère pour les Églises orientales.
Parmi les thèmes d'ouverture du discours, une brève récapitulation des actions diplomatiques du Saint-Siège : des plus de trente chefs d'État reçus au Vatican par le Souverain Pontife aux nombreux voyages effectués par le Pape, sans oublier les accords avec certains pays, dont celui du 22 octobre signé entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine avec lequel il a été décidé de prolonger de quatre ans la validité de l'accord provisoire sur la nomination des évêques, signé le 22 septembre 2018 et déjà renouvelé le 22 octobre 2020 et le 22 octobre 2022, « un signe de la volonté de poursuivre un dialogue respectueux et constructif en vue du bien de l'Église catholique dans le pays et de tout le peuple chinois ».
Un dialogue avec tous, même avec « ceux qui dérangent »
En cette nouvelle année, « le monde se trouve déchiré par de nombreux conflits, petits et grands, plus ou moins connus, ainsi que par la reprise d'actes odieux de terreur ». En même temps, a rappelé le Pape, « dans de nombreux pays, il existe des contextes sociaux et politiques exacerbés par des contrastes croissants ». Et cela « est aggravé par la création continue et la diffusion de fausses nouvelles, qui non seulement déforment la réalité des faits, mais finissent aussi par déformer les consciences [...] en créant un climat de suspicion qui attise la haine, mine la sécurité des personnes et compromet la coexistence civile et la stabilité de nations entières. Les attentats contre le président du gouvernement de la République slovaque et le président élu des États-Unis d'Amérique en sont des exemples tragiques ».
Un climat que l'évêque de Rome a défini comme « d'insécurité » qui « pousse à ériger de nouvelles barrières et à tracer de nouvelles frontières, alors que d'autres, comme celle qui divise l'île de Chypre depuis plus de cinquante ans et celle qui coupe la péninsule coréenne en deux depuis plus de soixante-dix ans, restent fermement en place, séparant les familles et disséquant les maisons et les villes ». Et c'est bien là le paradoxe : le terme frontière, en effet, « indique non pas un lieu qui sépare, mais plutôt qui unit, “où l’on se retrouve ensemble” ( cum-finis), où l’on peut rencontrer l’autre, le connaître, dialoguer avec lui.».
L'autre souhait du Pape pour ce Jubilé est que tous, « chrétiens et non-chrétiens », trouvent dans l'Année Sainte « l'occasion de repenser les relations qui nous lient, en tant qu'êtres humains et communautés politiques ». En effet, « face à la menace de plus en plus concrète d'une guerre mondiale, la vocation de la diplomatie est de favoriser le dialogue avec tous, y compris avec les interlocuteurs considérés comme les plus “gênants” ou que l’on ne considère pas comme légitimes pour négocier. C’est le seul moyen de briser les chaînes de la haine et de la vengeance qui emprisonnent, et de désamorcer les dispositifs de l’égoïsme, de l’orgueil et de la fierté humaine à l’origine de toutes les volontés belliqueuses qui détruisent ».
Les hommes politiques au service du bien commun
A partir de ces réflexions, le Pape a souligné « les responsabilités que tout responsable politique doit garder à l'esprit » dans l'accomplissement de son service de construction du bien commun dans une époque minée par la « misère » : « Jamais l’humanité n’a connu tant de progrès, de développement et de richesses, et jamais peut-être elle ne s’est tant retrouvée seule et perdue, préférant souvent les animaux domestiques aux enfants. ».
Et si « l'être humain est doté d'une soif innée de vérité », « à notre époque, la négation de vérités évidentes semble avoir le dessus. Certains se méfient des arguments rationnels qu’ils considèrent comme des outils entre les mains d’un pouvoir occulte, tandis que d’autres croient posséder de manière univoque la vérité qu’ils se sont eux-mêmes construite, s’exonérant ainsi de la confrontation et du dialogue avec ceux qui pensent différemment. Les uns et les autres ont tendance à se créer leur propre “vérité” au mépris de l’objectivité du vrai. Ces tendances peuvent être renforcées par les moyens modernes de communication et par l’intelligence artificielle, utilisés abusivement comme moyens de manipulation des consciences à des fins économiques, politiques et idéologiques».
Dans cette perspective, la « diplomatie de l'espérance est donc avant tout une diplomatie de la vérité. Là où le lien entre réalité, vérité et connaissance fait défaut, l’humanité ne peut plus se parler ni se comprendre car les fondements d’un langage commun ancré dans la réalité des choses, et donc universellement compréhensible, font défaut».
« Le but du langage est la communication qui ne réussit que dans la mesure où les mots sont précis et où le sens des termes est généralement accepté. ». C'est pourquoi l'avertissement du Souverain Pontife, « la tentative d'instrumentaliser les documents multilatéraux en changeant la signification des termes ou en réinterprétant unilatéralement le contenu des traités relatifs aux droits de l’homme - afin de promouvoir des idéologies qui divisent, qui foulent aux pieds les valeurs et la foi des peuples, est particulièrement inquiétante».
« Il s’agit d’une véritable colonisation idéologique qui, selon des programmes soigneusement planifiés, tente d’éradiquer les traditions, l’histoire et les attaches religieuses des peuples... Dans ce contexte, il est inacceptable, par exemple, de parler d’un soi-disant “droit à l’avortement” qui contredit les droits de l’homme, en particulier le droit à la vie. Toute vie doit être protégée, à tout moment, de la conception à la mort naturelle, car aucun enfant n’est une erreur ou coupable d’exister, de même qu’aucune personne âgée ou malade ne peut être privée
d’espérance ni rejetée », a souligné l'évêque de Rome.
Retrouver l'esprit d'Helsinki
Pour le Pape, il est plus que jamais urgent de retrouver « l'esprit d'Helsinki » (référence à la Déclaration d'Helsinki de 1975, ndlr) par lequel des Etats opposés, considérés comme « ennemis », ont réussi à créer un espace de rencontre, et à ne pas abandonner le dialogue comme moyen de résoudre les conflits.
En parlant de guerres, le Souverain Pontife a d'abord pensé à l'Ukraine, puis au Moyen-Orient : « Mon souhait pour cette année 2025 est que l’ensemble de la Communauté internationale s’efforce avant tout de mettre fin à la guerre qui ensanglante depuis près de trois ans l’Ukraine torturée et qui a fait de très nombreuses victimes, dont beaucoup de civils. Des signes encourageants sont apparus à l’horizon, mais il reste encore beaucoup à faire pour construire les conditions d’une paix juste et durable et pour panser les plaies infligées par l’agression.De même, je renouvelle mon appel à un cessez-le-feu et à la libération des otages israéliens à Gaza, où la situation humanitaire est très grave et déplorable, et je demande que la population palestinienne reçoive toutes les aides nécessaires. Mon souhait est que les Israéliens et les Palestiniens puissent reconstruire les ponts du dialogue et de la confiance mutuelle, en commençant par les plus petits, afin que les générations futures puissent vivre côte à côte dans deux États, en paix et en sécurité, et que Jérusalem soit la “ville de la rencontre” où chrétiens, juifs et musulmans cohabitent en harmonie et dans le respect ».
L'évêque de Rome a ensuite braqué les projecteurs sur le commerce des armes, « de plus en plus sophistiqué et destructeur », qui alimente ces guerres où sont impliqués de plus en plus de civils et d'infrastructures non militaires, en demandant à la communauté internationale de veiller à ce que le droit international humanitaire soit toujours respecté : « Si nous avons oublié ce qui est à la base, les fondements mêmes de notre existence, du caractère sacré de la vie, des principes qui animent le monde, comment pouvons-nous penser que ce droit soit effectif ? »
Les « formes délicates » de la persécution
Comme dans l'Urbi et Orbi de Noël, le Pape a ensuite énuméré tous les autres conflits qui déchirent la planète, en commençant par l'Afrique : Soudan, Sahel, Corne de l'Afrique, Mozambique, République démocratique du Congo. Puis Myanmar, Haïti, Venezuela, Bolivie, Colombie et Nicaragua, « où le Saint-Siège, toujours ouvert à un dialogue dialogue respectueux et constructif, suit avec inquiétude les mesures prises à l’encontre des personnes et des institutions de l’Église et espère que la liberté religieuse et les autres droits fondamentaux seront garantis à tous de manière adéquate».
« En effet, il n’y a pas de paix véritable si la liberté religieuse n’est pas également garantie, ce qui implique le respect de la conscience des individus et la possibilité de manifester publiquement sa foi et l’appartenance à une
communauté. En ce sens, les expressions grandissantes de l’antisémitisme, que je condamne fermement, et qui touchent un nombre croissant de communautés juives dans le monde, sont très préoccupantes », a souligné le Souverain Pontife, ajoutant : « Je ne peux passer sous silence les nombreuses persécutions contre diverses communautés chrétiennes souvent perpétrées par des groupes terroristes, notamment en Afrique et en Asie, ni les formes plus “délicates” de limitation de la liberté religieuse qu’on rencontre parfois aussi en Europe où se développent des normes juridiques et des pratiques administratives qui « limitent ou annulent en fait les droits que les Constitutions reconnaissent formellement aux croyants individuels et aux groupes religieux ». Au contraire, a-t il réaffirmé, « la liberté religieuse constitue un acquis de civilisation politique et juridique. En effet, lorsqu’elle « est reconnue, la dignité de la personne humaine est respectée à sa racine même, l’ ethos et les institutions des peuples se consolident ».
En effet, les chrétiens « Les chrétiens peuvent et veulent contribuer activement à l’édification des sociétés dans lesquelles ils vivent. Même là où ils ne sont pas majoritaires dans la société, ils sont des citoyens à part
entière, en particulier sur les terres où ils vivent depuis des temps immémoriaux». Le Pape fait référence à la Syrie, « qui, après des années de guerre et de dévastation, semble être sur la voie de la stabilité. Je souhaite que l’intégrité territoriale, l’unité du peuple syrien et les réformes constitutionnelles nécessaires ne seront compromises par personne et que la Communauté internationale aidera la Syrie à être une terre de coexistence pacifique où tous les Syriens, y compris la composante chrétienne, pourront se sentir citoyens à part entière et participer au bien commun de cette chère nation».
« De même, je pense au bien aimé Liban, en espérant que le pays, avec l’aide décisive de la composante chrétienne, puisse avoir la stabilité institutionnelle nécessaire pour faire face à la grave situation économique et sociale, reconstruire le sud du pays touché par la guerre, et mettre pleinement en oeuvre la Constitution et les Accords de Taëf. Que tous les Libanais oeuvrent afin que le visage du Pays des Cèdre ne soit jamais défiguré par la division, et qu’il resplendisse toujours du “vivre ensemble” restant un Pays-message de coexistence et de paix », a ajouté l'évêque de Rome, qui, en conclusion, nous a demandé de ne pas rester indifférents au drame des « multiples formes d'esclavage » de notre temps, à commencer par « la forme d'esclavage peu reconnue mais largement pratiquée qui touche le travail », ou « l'horrible esclavage de la toxicomanie, qui touche en particulier les jeunes ». L'un des « plus terribles » reste cependant « celui pratiqué par les trafiquants d'êtres humains ». Lié à ce dernier thème, celui des migrations, « toujours recouvertes d'un sombre nuage de méfiance, au lieu d'être perçues comme une source de croissance ».
Enfin, un nouvel appel, déjà formulé dans la bulle d'indiction du Jubilé et maintes fois souligné ces derniers jours, à la remise de la dette extérieure et à la commutation des peines des prisonniers. (FB) (Agence Fides 9/1/2025)