Port-au-Prince (Agence Fides) - Parmi les quelque 300 bandes criminelles qui opèrent en Haïti (voir Fides 10/2/2024), les plus connues sont des acronymes désignant des associations de plusieurs bandes. Le plus important est le G9 Family and Allies (G9 Fanmi e Alye - G9 en créole haïtien), une fédération de neuf gangs criminels formée en juin 2020.
Son fondateur et chef est l'ancien policier Jimmy Chérizier, alias "Barbecue". La principale source de revenus du G9 est l'extorsion sous toutes ses formes. La fédération facture des "paiements de protection" aux entreprises locales, aux vendeurs ambulants et aux chauffeurs de transports publics, et supervise également l'enlèvement de civils à des fins d'extorsion. Le G9 a même pris le contrôle total des services publics tels que l'approvisionnement en eau et en électricité.
Barbecue était soupçonné (peut-être à tort) d'être impliqué dans l'assassinat du président Jovenel Moïse (voir Fides 08/07/2021), qui était son leader politique de prédilection. Le G9 a vu le jour précisément pour soutenir Moïse alors qu'il était confronté à l'hostilité de la population en raison de la crise économique du pays, de la corruption endémique, de la pénurie d'essence et de la montée de la violence. Barbecue et sa bande de policiers (les 6 de Delmas) avaient été licenciés par la police pour les massacres extrajudiciaires qu'ils avaient perpétrés, mais continuaient à recevoir de l'argent, des armes, des uniformes de police et des véhicules gouvernementaux de la part de l'administration Moïse.
Ainsi, lorsque Barbecue a annoncé la formation de l'alliance G9, beaucoup ont cru qu'il s'agissait d'une formation destinée à soutenir Moïse, suivant une tradition de politiciens haïtiens utilisant des gangs pour réprimer les opposants et maintenir l'ordre social dans les quartiers pauvres.
Barbecue a promis que le G9 rétablirait la paix à Port-au-Prince. Mais les enlèvements ont connu une escalade dramatique et les affrontements internes au sein de la fédération du G9 ont conduit à de nouvelles violences.
Peu avant l'assassinat du Président, le G9 avait coupé les ponts avec le PHTK (Parti Haïtien Tèt Kale, parti de Moïse) car sa domination sur une grande partie de Port-au-Prince lui permettait de contrôler un nombre important de bureaux de vote, notamment dans des zones comme Martissant et Bas-Delmas. Le G9 pouvait donc offrir ses voix à d'autres parrains politiques. D'ailleurs, la mort de Moïse ne semble pas avoir eu beaucoup d'impact sur le G9. Au contraire, les gangs affiliés au G9 ont profité de l'instabilité généralisée qui a suivi la mort de Moïse pour étendre leur territoire et affirmer leur contrôle sur des infrastructures clés, telles que le plus grand terminal pétrolier d'Haïti, le Terminal Varreux.
Le G9 a conclu des alliances avec 11 autres gangs criminels pour former ce que l'on appelle le G20.
Le principal rival du G9 est le G-PEP, une fédération de gangs formée spécifiquement pour combattre l'influence du G9 et qui est en fait largement soutenue par les opposants politiques du PHTK.
Le G-PEP, dirigé par Gabriel Jean-Pierre, alias "Ti Gabriel", s'oppose souvent au G9 pour le contrôle de territoires clés de Port-au-Prince et en particulier de la municipalité nord de Cité Soleil, longtemps un bastion du G-PEP et où, depuis 2022, ses habitants sont otages des affrontements entre gangs, contraints de vivre dans des conditions inhumaines, sans services de base tels que l'eau, l'électricité et les soins de santé.
L'un des gangs qui a fini par s'affilier au G-PEP est le 400 Mawozo (400 hommes boiteux), le plus grand gang d'Haïti, célèbre pour avoir enlevé 17 missionnaires protestants américains et canadiens en 2021. Pour cette raison, le commandant en second du gang, Germine Joly, a été arrêté et extradé vers les États-Unis en 2022, où il est accusé non seulement d'avoir kidnappé des citoyens américains, mais aussi de trafic d'armes. Le chef des 400 Mawozo, Joseph Wilson, alias "Lanmò San Jou" ("la mort n'a pas d'heure fixe"), est toujours recherché par le FBI.
Le gang des 400 Mawozo se concentre principalement sur les enlèvements collectifs, dont certains prêtres et missionnaires catholiques (voir Fides 28/2/2023 et 23/3/2023).
L'un des gangs qui n'est lié à aucune "fédération" criminelle particulière est le Fantom 509. Il s'agit d'un groupe bien armé d'anciens policiers et de policiers en service qui ont attaqué des bâtiments et des installations du gouvernement pour exiger de meilleurs salaires et conditions de travail pour les policiers.
L'acronyme est apparu pour la première fois en 2018, lorsque le Syndicat de la Police nationale d'Haïti (SPNH) manifestait pour réclamer de meilleurs salaires et conditions de travail. Plus récemment, selon les médias locaux, le syndicat de la police a pris ses distances avec le groupe.
Face à l'impuissance des forces de police, des formations d'autodéfense, appelées "Bwa Kale" ("bois pelé"), se sont constituées. Il s'agit principalement de groupes de civils armés d'armes improvisées, qui traquent et tuent les membres présumés de gangs en brûlant leurs corps. Une "justice de bricolage" qui risque de donner naissance à de nouvelles bandes criminelles, comme cela s'est produit dans d'autres parties du monde. Au Mexique, par exemple, des groupes d'autodéfense ont commencé à lutter contre des organisations criminelles, profitant souvent du soutien populaire et d'un manque de capacité institutionnelle pour entrer dans une dimension économique criminelle telle que l'extorsion, le trafic d'armes et de drogue, et les meurtres sous contrat. (LM) (Agence Fides 17/2/2024)