Khartoum (Agence Fides)- La tension croît entre le Tchad et le Soudan depuis l’attaque menée par le JEM (Mouvement pour la justice et l’égalité) contre Omdurman, la ville jumelle de la capitale soudanaise Khartoum (cf Fides 12/5/2008). Le Soudan, accusant le Tchad d’avoir soutenu l’action des rebelles, a rompu les relations diplomatiques avec N’Djamena. Le gouvernement tchadien a réagi en décidant la fermeture des frontières avec le Soudan, le blocus des activités de la Banque agricole commerciale, une banque soudanaise active au Tchad, et des transactions financières entre les deux pays.
Le bilan des affrontements demeure incertain : selon le gouvernement central une soixantaine de personnes ont été tuées tandis que 300 rebelles auraient été capturés. Les forces des JEM ont été repoussées, mais son chef, Khalil Ibrahim, continue à donner des interviews téléphoniques aux agences de presse internationales, dans lesquelles il annonce de nouvelles attaques, affirmant être encore dans les environs d’Omdurman. Le gouvernement de Khartoum au contraire affirme avoir intercepté une communication de Khalil Ibrahim dans laquelle le chef du JEM demande à être évacué par un hélicoptère tchadien. Le gouvernement soudanais a promis une prime de 500 millions de schillings soudanais (246 millions de dollars) pour la capture d’Ibrahim.
La capitale soudanaise et Omdurman sont fortement défendues par l’armée tandis qu’ont été relâchés Hassan al-Tourabi et quatre de ses étroits collaborateurs arrêtés tout de suite après l’attaque des rebelles. Tourabi, l’ex-idéologue du régime soudanais, et ex-chef de son aile politico-religieuse, est depuis quelque temps en rupture avec le Président Bashir, chef de l’aile militaire. Ibrahim et d’autres dirigeants du JEM viennent d’environnements proches de celui du mouvement de Tourabi. Le JEM en effet, à la différence d’autres groupes de guérilla qui opèrent dans le Darfour, a un programme national et va au-delà des revendications régionales des droits des populations de la région du Soudan occidental.
En attaquant aux portes de Khartoum, le JEM a voulu lancer un défi direct au régime et a démontré une capacité militaire supérieure à celle des autres groupes. Selon Ibrahim la colonne des rebelles est partie de ses bases dans le Darfour et dans le Kordofan en traversant 600 km en plein désert. Les rebelles pour ne pas être découverts auraient voyagé de nuit et auraient utilisé des véhicules similaires à ceux de l’armée régulière. Il n’est pas exclu que les rebelles aient joui de la complicité de militaires sympathisant avec leur cause.
L’armée soudanaise, surprise, a réagi rapidement et a repoussé l’attaque. Les forces armées régulières sont en outre bien supérieures au JEM qui peut compter sur un millier d’hommes au maximum. Dans un affrontement de campagne les rebelles seraient anéantis. L’entreprise de Khartoum apparaît donc comme un geste démonstratif de défi au régime. Un défi que le gouvernement soudanais interprète comme venant du Tchad, pour deux raisons. Le JEM a montré posséder des armements et une capacité militaires que jusqu’à peu de temps il n’avait pas ; les autorités soudanaises suspectent donc des puissances étrangères d’avoir fourni des armes et un conseil militaire au mouvement. En second lieu le chef du JEM vient du clan Kobe, de l’ethnie Zaghawa, comme le Président tchadien Idriss Deby. Plusieurs observateurs considèrent que la guerre par procuration entre le Tchad et le Soudan rentre dans un jeu plus vaste, dans lequel les grandes puissances se disputent le contrôle de la région et de ses ressources pétrolières et d’autre type. (L.M.) (Agence Fides 13/5/2008 lignes 40 mots 562)