Kigali (Agence Fides) - Comment l'Union européenne peut-elle signer un accord sur la durabilité et la traçabilité des minéraux stratégiques avec un pays qui ne les produit pas mais les obtient illégalement d'un Etat voisin ? C'est ce que demandent "Ensemble Paix pour le Congo" et 7 autres organisations, dont le "Réseau Paix pour le Congo" (promu par des missionnaires travaillant en République Démocratique du Congo), dans un communiqué envoyé à l'Agence Fides, afin d'annuler le protocole d'accord signé le 19 février dernier entre l'UE et le Rwanda. Cet accord avait déjà été critiqué par le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu, Archevêque Métropolitain de Kinshasa (voir Fides 27/2/2024).
Selon l'UE, le Rwanda "est un acteur mondial majeur dans l'exploitation du tantale. Il produit également de l'étain, du tungstène, de l'or et du niobium et possède des réserves de lithium et de terres rares". Un langage souligne le communiqué envoyé à Fides qui "veut exprimer une forte intention de respecter la légalité, selon les normes de traçabilité que l'Europe elle-même s'est donnée en 2021".
" Il est toutefois dommage ", poursuit le communiqué, " que l'UE investisse dans ce sens dans un pays qui ne dispose pas de quantités significatives de ces minerais, un pays qui n'en est devenu un important exportateur que grâce aux guerres qu'il a déclenchées à plusieurs reprises en République démocratique du Congo depuis 1996, toujours par le biais de mouvements clandestins qui, ces dernières années, ont pris le nom de M23 (voir Fides 13/2/2024, ndlr) ".
"Depuis l'est du Congo, avec l'aide de fonctionnaires corrompus à différents niveaux, les minerais précieux que sont l'or, le coltan et les terres rares s'écoulent en rafales depuis des années vers le Rwanda et d'autres pays voisins à l'est.... Complicité aux frontières, ruses diverses, mais maintenant ils passent ouvertement, grâce aux territoires que le M23-Ruanda occupe de l'autre côté de la frontière. Ceci au prix de morts, de violences de toutes sortes, de vols des biens d'une population dont le seul tort est de vivre dans un territoire convoité, et de plus d'un million de personnes déplacées - rien qu'à l'Est - qui survivent misérablement et meurent dans des taudis de fortune, en pleine saison des pluies", souligne le document.
"Si l'objectif de l'accord du 19 février, comme l'a déclaré le Parlement européen en réponse aux nombreuses critiques qui ont émergé, est "d'accroître la traçabilité et la transparence et de renforcer la lutte contre le commerce illégal des minerais", n'était-il pas plus approprié de sanctionner le Rwanda au lieu de conclure des accords avec lui sur les fruits mêmes du vol qui est en train de se dérouler ?" demande 'Ensemble pour la Paix au Congo'.
"En écho aux nombreuses voix qui se sont élevées contre l'accord en question, tant de la part des autorités, des citoyens congolais, des pays européens comme la Belgique, que des députés européens, nous aussi, en tant que Comité 'Ensemble pour la Paix au Congo', exprimons notre forte demande à l'Union européenne d'annuler cet accord, afin de contribuer à la paix dans la région. Nous pensons que seule une attitude juste et impartiale peut promouvoir une cohabitation pacifique dans la région des Grands Lacs africains". (LM) (Agence Fides 8/3/2024)