Niamey (Agence Fides) - Les sanctions imposées par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) au Niger suite au coup d'Etat militaire du 26 juillet qui a renversé le président Mohamed Bazoum ont été reconduites (voir Fides 27/7/2023).
C'est ce qu'a décidé le sommet communautaire qui s'est tenu le dimanche 10 décembre 2023 à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria. Lors du sommet d'Abuja, la présidence du Niger a été assurée par le premier ministre du président déchu Mohamed Bazoum.
La CEDEAO a cependant annoncé que la porte du dialogue restait ouverte avec la junte militaire qui a pris la tête du Niger. Un comité composé des présidents du Bénin, du Togo et de la Sierra Leone négociera avec le régime militaire nigérien sur les engagements à mettre en œuvre avant un éventuel allègement des sanctions, a annoncé le président du comité CEDEAO/ECOWAS, Omar Touray.
Parmi les pays les plus ouverts au dialogue avec la junte putschiste installée à Niamey figure le Togo. "Le Togo semble vouloir "normaliser" la junte putschiste nigérienne, la rendant en quelque sorte "présentable" aux yeux des autres Etats d'Afrique de l'Ouest", explique à l'Agence Fides Rahmane Idrissa, chercheur à l'Universitỳ de Leiden. Je ne pense pas qu'elle aboutira parce que la CEDEAO a adopté depuis 2001 la 'norme démocratique', fortement soutenue par l'actuel président du Nigeria, qui ne veut pas négocier avec les putschistes tant qu'ils ne s'engagent pas de manière certaine et vérifiable, avec un calendrier clair, à un retour à la démocratie". En écoutant la délégation envoyée par le Niger au Togo, il ne me semble pas que la junte putschiste ait l'intention de s'engager dans cette voie", déclare Idrissa. Quant à la menace d'intervention militaire immédiatement invoquée par certains Etats membres de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest contre les putschistes nigériens, selon Idrissa, "c'était une mauvaise idée dès le départ et aujourd'hui complètement irréaliste". "Ils ont annoncé une action militaire sur la base d'une analyse erronée de la situation au Niger", explique le chercheur. "Ils pensaient que le gouvernement civil renversé était populaire et qu'une intervention de la CEDEAO recevrait le soutien de la population. Mais en l'espace d'une semaine, ils se sont rendu compte que ce n'était pas le cas. L'erreur a été commise par Bola Tinubu, le président du Nigeria, qui déteste tellement les régimes militaires qu'il pense que tout le monde pense comme lui. La CEDEAO a maintenu la menace d'une intervention comme moyen de pression sur les putschistes, mais il est désormais clair qu'il s'agit d'une menace vide", déclare Idrissa.
D'autre part, ajoute-t-il, ils continuent à maintenir des sanctions économiques contre le Niger qui, pour l'instant, n'apportent pas de résultats politiques mais ont des effets néfastes sur la population. Ces sanctions détruisent l'économie du Niger. Mais les Nigériens sont obstinés et prêts à sacrifier leur économie au nom d'une fierté nationaliste qui n'a pas lieu d'être. L'Etat peine à payer les salaires de ses employés, les prix ont explosé, mais la population ne fait pas pression sur la junte pour qu'elle négocie avec la CEDEAO", conclut le chercheur nigérian. (LM) (Agence Fides 12/12/2023)