(© UNHCR-Nicolo-Filippo-Rosso)
Khartoum (Agence Fides) - La nouvelle de l'ouverture du gouvernement soudanais à participer aux négociations de Genève sous l'égide des États-Unis semblait avoir ouvert une fenêtre d'opportunité pour la reprise du dialogue entre les Forces Armées Soudanaises (SAF) et les Forces de Soutien Rapide (Rsf). Puis, le 31 juillet, diverses agences ont annoncé une tentative présumée d'assassinat du chef de l'armée et de l'exécutif Abdel Fattah al-Burhan, immédiatement suivie, comme on pouvait s'y attendre, d'un communiqué expliquant d'abord la dynamique de l'attaque (menée par deux " drones ennemis " lors d'une cérémonie de remise de diplômes à la base militaire de Gibeit, qui a fait cinq morts), puis faisant état d'une remise en question des négociations (voir Fides 31/7/2024).
Selon les informations d'Africa Intelligence, les tentatives de négociations se poursuivent et les États-Unis (qui ont ouvert une table de négociations avec l'Arabie Saoudite à Djeddah à l'été 2023, quelques mois après le début de la guerre, et qui ont échoué jusqu'à présent) sont convaincus qu'ils sont plus proches de quelque chose de concret.
Selon Tom Perriello, l'envoyé américain, cette énième tentative de reprise des pourparlers pourrait être plus fructueuse parce qu'elle tente de "tirer les leçons des échecs de ses prédécesseurs". Mais cette tentative fait déjà l'objet de premières critiques virulentes : le Mouvement de libération du Soudan, dirigé par Mini Minnawi, a désapprouvé les États-Unis pour n'avoir invité que RSF et SAF aux négociations prévues pour le 14 août, à l'exclusion de tous les autres groupes de la société civile. Entre-temps, la situation sur le terrain prend de plus en plus les allures d'une véritable catastrophe humanitaire.
La communauté catholique du Soudan est bouleversée, comme tout le monde, par le contexte dramatique. À la fin du mois de juin, la conférence des évêques du Soudan et du Sud-Soudan a organisé une réunion pour réfléchir à des questions d'une grande urgence et d'un caractère dramatique.
"Nous nous trouvons dans une situation désormais désespérée", explique à l'Agence Fides le Père Biong Kwol Deng, du diocèse d'El Obeid, Secrétaire général adjoint de la Conférence épiscopale du Soudan et du Sud-Soudan. "Je devais me rendre à Juba (capitale du Sud Soudan, ndlr). Comme beaucoup de membres de l'Église, nous avons dû quitter les lieux où nous nous trouvions au Soudan parce qu'ils étaient devenus trop dangereux, mais je reçois constamment des nouvelles. La dernière en date, il y a quelques jours, m'a été communiquée par un membre de ma famille qui se trouve à Khartoum depuis le début de la guerre et qui m'a dit qu'à présent, il n'y a pas un seul coin du pays qui ne soit pas touché par le conflit, qu'il y a des combats en permanence et partout. Pour l'instant, je suis honnête, il n'y a pas d'espoir car les sources gouvernementales ont déclaré qu'elles ne voulaient pas s'arrêter, même si de nombreuses forces sur le terrain poussent à la fin des combats ou au moins à une trêve".
La Conférence épiscopale, reprend le père Biong, a envoyé une lettre pastorale qui soutient l'urgence de l'ouverture d'un dialogue au Soudan et aborde également les nombreux problèmes présents au Sud-Soudan. Parmi ces problèmes, il y a les nombreux réfugiés qui arrivent du Soudan. Nombre d'entre eux sont des "rapatriés", c'est-à-dire d'anciens citoyens du Sud-Soudan qui ont quitté le pays en raison de problèmes de pauvreté extrême, d'inondations ou de conflits, et qui sont maintenant contraints d'y retourner. En tant qu'Église, nous essayons d'intervenir spécifiquement pour eux, tant au Soudan qu'au Sud-Soudan. En ce moment, la situation des personnes déplacées est effrayante, même dans la région du Kordofan (la vaste région qui s'étend du centre du pays jusqu'à la limite du Sud-Soudan, ndlr), il y a beaucoup de réfugiés et nous essayons de leur apporter de l'aide. Tout est aggravé par la grande saison des pluies, les gens ont besoin de tout, d'eau, de nourriture, de médicaments, tout manque, et le Soudan, complice des conflits à Gaza et en Ukraine, semble avoir été oublié par la communauté internationale".
La communauté catholique s'est réduite à cause des exodes forcés qui ont généré la plus grande crise de déplacement du moment. "Les Missionnaires de la Charité (les sœurs de Mère Teresa) qui étaient dans le diocèse d'El Obeid sont parties le mois dernier, et avec elles les sœurs du Sacré-Cœur et les pères comboniens. Ils se sont installés à Kosti (au sud de Khartoum, ndlr) et sont en route pour Juba.
Au Soudan, poursuit le prêtre, il y a les chrétiens du nord, d'origine nubienne, et les chrétiens du sud du Soudan qui sont restés au Soudan même après l'indépendance du Sud-Soudan (2011, ndlr). Tous deux se trouvent dans une situation difficile, notamment en raison de l'absence d'aide extérieure. Sinon, il est possible de prier et de se rassembler pour la messe dans des endroits sûrs et protégés où il y a des prêtres. Souvent, les prêtres sont seuls, et lorsqu'ils sont deux, ils doivent travailler dans des zones très étendues". (LA) (Agence Fides 10/8/2024)