AFRIQUE/NIGER - Payer, se convertir ou partir : le dilemme des communautés chrétiennes

vendredi, 3 mai 2024

par Mauro Armanino

Niamey (Agence Fides) - Cela se passe à une centaine de kilomètres de la capitale Niamey. Ils arrivent avec quelques motos, armés, et proposent de choisir combien valent les opérations susmentionnées. Soit payer une taxe de 50.000 CFA (76 E) par personne de sexe masculin à partir de l'âge de 15 ans, soit se convertir à l'Islam. En cas de refus, il ne reste plus qu'à laisser le village et tout ce que l'on possède entre leurs mains. Ils sont ce que les habitants appellent les "bandits" et ce que les spécialistes appellent des groupes armés terroristes de la nébuleuse "djihadiste" opérant principalement dans la région des "trois frontières".

Il s'agit du Mali, du Burkina Faso et, bien sûr, du Niger. Ces trois pays sont actuellement gouvernés par des régimes militaires et ont choisi de se coaliser dans une nouvelle entité appelée " Alliance des États du Sahel ", AES. Depuis l'enlèvement du Père Pierluigi Maccalli en 2018 (voir Fides 9/10/2020), la vie des paysans de la zone frontalière avec le Burkina Faso n'a cessé de se dégrader. Menaces, enlèvements, assassinats ciblés, écoles désolées et fermées, intimidations et climat de peur caractérisent le quotidien des habitants. La présence des militaires nigériens n'est pas de nature à décourager ces pratiques qui se sont installées dans la région. Les plaintes et les appels à l'aide semblent tomber dans l'oreille d'un sourd, ou du moins dans la rhétorique de la "souveraineté environnementale" et du retrait tant vanté de la présence militaire étrangère sur le sol nigérien (Russes mis à part). Tout cela ne dissuade pas les "bandits" ou les groupes armés qui, entre-temps, occupent les terres et, grâce à la politique de la terre brûlée, recrutent des jeunes poussés à la pauvreté par la promesse de gains faciles et d'une nouvelle identité sociale.

Depuis mars dernier, du village de Tiboandi aux villages de Kiloubiga, Torsé et Koutougou, la musique et les exigences sont les mêmes. Parfois les chrétiens acceptent de payer, et il n'est pas rare qu'ils soient contraints de partir vers des lieux plus protégés comme Makalondi et Torodi. Les "bandits" ont donné une semaine pour leur donner une réponse. Il semble évident que le refus de la "conversion" laisse l'option de l'exode car payer la somme demandée cette année, c'est la voir doublée pour l'année prochaine. Le maire de la capitale a été informé et les autorités sont au courant du drame qui se joue non loin de la capitale.

L'impuissance, l'incapacité, la difficulté à prendre en charge la sécurité de la population et les raids occasionnels n'ont pas porté leurs fruits.

Ce ne sont pas seulement les chrétiens qui sont touchés par les rackets des groupes armés, mais tous les habitants de la région des Trois Frontières. Tous ont néanmoins une caractéristique commune. Ce sont des paysans pauvres qui s'ajoutent à la longue liste des "invisibles" qui n'ont que peu d'importance économique et géopolitique. Ce dernier élément permet peut-être de mieux expliquer les raisons de la perpétuation des violences contre les civils dans cette partie du Sahel.

(Agence Fides 3/5/2024)


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