Addis Abeba (Agence Fides) - Un tremblement de terre géopolitique dans la Corne de l'Afrique et la Mer Rouge ? C'est la question que l'on se pose après l'accord historique signé le 1er janvier entre Abiy Ahmed Ali, Premier ministre éthiopien, et Muse Bihi Abdi, Président du Somaliland, aux termes duquel Addis Abeba, en échange de la reconnaissance officielle de la région somalienne sécessionniste, se voit accorder un accès à la mer sur 20 km de côtes pour ses " forces navales " pour une période de 50 ans.
L'Éthiopie a perdu l'accès à la mer en 1993 suite à l'indépendance de l'Érythrée, et par conséquent la marine éthiopienne a cessé d'exister. Afin de pouvoir commercer par voie maritime, compte tenu des tensions avec Asmara, Addis-Abeba a conclu un accord pour utiliser le port de Djibouti. Le Somaliland, région du nord de la Somalie, s'est proclamé indépendant en 1991 et n'a jusqu'à présent été reconnu comme État indépendant par aucun autre pays. L'accord du 1er janvier marque donc un tournant puisque l'Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique et dont la capitale accueille le siège de l'Union africaine, non seulement reconnaît le Somaliland mais s'engage à lui apporter un soutien militaire, ne serait-ce que pour défendre ses forces navales une fois qu'elles seront reconstituées et basées dans un port de ce pays. Des ambitions navales éthiopiennes renouvelées avaient déjà émergé en 2018 lors de l'annonce de la reconstruction de la marine avec l'aide de la France. La Russie s'est également récemment déclarée prête à aider Addis-Abeba à reconstruire ses forces navales.
La reconnaissance du Somaliland par l'Éthiopie a provoqué une vive réaction du gouvernement de Mogadiscio, qui a dénoncé "une violation flagrante de sa souveraineté et de son unité" et rappelé son ambassadeur à Addis-Abeba.
Les islamistes Shebab, un groupe affilié à Al-Qaïda qui mène une insurrection sanglante contre le gouvernement fédéral somalien depuis 2007, ont également condamné l'accord et le "programme expansionniste" d'Abiy Ahmed.
Le président somalien Hassan Sheikh Mohamud a entamé des consultations avec le Qatar et l'Egypte, deux pays respectivement rivaux des Emirats Arabes Unis (qui soutiennent l'Ethiopie et ont déjà une présence civile et militaire dans le port de Berbera au Somaliland) et de l'Ethiopie, à cause du barrage sur le Nil. Les rivalités entre les pays de la Corne de l'Afrique sont en fait liées à celles des États du golfe Persique et aux jeux des grandes puissances (de l'Iran à la Turquie, de la Chine aux États-Unis), notamment à la lumière des attaques houtiennes contre la navigation dans la mer Rouge. (LM) (Agence Fides 3/1/2024)