Yangon (Agence Fides) – Alors que s'enregistre une augmentation exponentielle du nombre des cas de Covid-19 et que le conflit sur le front nord-ouest du pays ne fait pas montre de cesser, la campagne électorale en vue des législatives au Myanmar bat son plein. Il s'agit de la deuxième fois depuis le scrutin de 2015 que le pays affronte des consultations démocratiques. Selon les analystes, la Ligue pour la Démocratie (LND) d'Aung San Suu Kyi bénéficierait d'une large popularité mais les inconnues demeurent nombreuses. A Yangon, comme dans d'autres villes du pays, prédomine déjà le rouge, couleur symbole de la LND. L'ombre de la pandémie, à laquelle le pays semblait avoir échappé dans un premier temps – avec seulement 6 morts jusqu'au 16 août dernier – pèse sur la consultation du 8 novembre prochain. Le bilan à la mi-septembre était de plus de 3.600 cas et 39 morts, les contaminations ayant triplé en l'espace d'un mois seulement. Malgré cela, la Commission électorale de l'Union a rejeté les requêtes – provenant surtout de l'opposition – visant à reporter le scrutin, confirmant la date précitée. Le foyer principal de l'épidémie est l'Etat de Rakhine, dans l'ouest du pays, ce qui renvoie à un autre problème intérieur : celui de la guerre.
Les deux Etats tampons avec le Bengladesh et l'Inde, respectivement Rakhine et Chin, connaissent désormais depuis deux ans d'âpres combats avec l’Arakan Army, un groupe armé autonomiste non reconnu comme interlocuteur dans le cadre du processus national de paix (voir Fides 26/08/2020). L'Etat Rakhine est la patrie de la minorité musulmane des Rohingyas, en grande partie expulsée du pays entre 2012 et 2017. Ceux qui sont restés sur place vivent dans des camps dans des conditions d'hygiène et sanitaires précaires ou dans des villages soumis au contrôle de l'armée birmane. Des milliers de Rohingyas réfugiés au Bengladesh ont cherché ces derniers mois de revenir clandestinement chez eux, portant avec eux le virus en sus de leur fardeau de douleur. Interceptés comme d'autres provenant d'autres pays – comme l'Inde, la Thaïlande et la Chine où travaillent de nombreux birmans – certains d'entre eux se sont révélés positifs au virus au point que le gouvernement a de nouveau imposé le verrouillage dans l'Etat Rakhine. Par sécurité, les mesures sont étendues partout et seul l'Etat Kayah – dans lequel est présente une importante communauté catholique – continue à représenter la seule zone du pays exempte de contaminations.
L'affaire des Rohingyas porte en elle un autre problème, à savoir celui de la représentation au Parlement des citoyens musulmans, une minorité qui, au Myanmar compte – en excluant les Rohingyas – quelque 4 millions de personnes. La LND qui lors de la précédente consultation n'avait porté sur ses listes aucun candidat musulman en présente cette fois deux. Il s'agit d'un pas dans la direction d'une plus grande ouverture vis-à-vis de ceux qui ne font pas partie de la majorité bouddhiste. Le problème concerne cependant également d'autres minorités ethniques et religieuses ainsi que l'avaient mis en évidence à plusieurs reprises des représentants de l'Eglise au Myanmar.
Le scrutin concerne le renouvellement de la Chambre haute dite Chambre des Nationalités et de la Chambre basse dénommée Chambre des représentants de l'Assemblée de l'Union, le parlement bicaméral birman. La Chambre basse compte 440 sièges dont 330 élus et 110 nommés par les Forces armées. La Chambre haute est en revanche composée de 224 membres dont 168 élus et 56 nommés par les Forces armées. Le système, que la LND a cherché à modifier sans succès au cours de la législature arrivant à son terme, attribue donc aux forces armées la nomination de près d'un quart des parlementaires. Ceci leur permet d'exercer un droit de veto substantiel sur toute révision constitutionnelle, laquelle requiert plus de 75% des voix pour être approuvée. Les militaires gèrent en outre le plus important parti d'opposition, l’Union Solidarity and Development Party (USDP), présidé par le Général (2S) Than Htay. Le parti en question promet un avenir meilleur, des droits fondamentaux et la consolidation du processus de paix. Cependant, il doit compter avec les accusations faites par l'ONU et par les plus importantes organisations de défense des droits fondamentaux telles qu'Amnesty International et Human Rights Watch, à l'égard des forces armées, qu'elles considèrent responsables de graves violations des droits fondamentaux, sachant qu'une cause pour violation de la Convention sur le génocide intentée par la Gambie est actuellement en cours devant la Cour de justice internationale de La Haye. (MG-PA) (Agence Fides 22/09/2020)