Kuala Lumpur (Agence Fides) – La controverse juridique sur l’utilisation du nom ‘Allah’ dans les publications chrétiennes a commencé il y a trois ans et a explosé début 2010. Elle risque de durer encore longtemps, notent des sources de Fides en Malaisie, vu que dans le pays il y a trois niveaux de jugement : la Haute Cour, la Cour d’Appel (à laquelle le gouvernement malaisien a annoncé recourir) et la Cour Suprême. L’Agence Fides publie une chronologie des principales étapes de la dispute, marquée par des incertitudes et des volte-face du gouvernement :
1995 – L’hebdomadaire de l’archidiocèse de Kuala Lumpur, The Herald (http://www.heraldmalaysia.com), inaugure ses publications en “Bahasa Malaysia”, la principale langue du pays, en traduisant le nom « Dieu » par « Allah » comme c’est le cas dans la Bible en langue arabe. L’hebdomadaire a aussi des éditions en Anglais, Tamil, Chinois, pour atteindre tous les segments de la population malaisienne.
2006 – Le gouvernement malaisien du Front National (Barisan National) – une coalition dirigée par l’UMNO (United Malays National Organization), le parti majoritaire du pays, expression de la communauté malaise, de religion musulmane – déclare publiquement qu’il entend empêcher les publications chrétiennes en langue malaise d’utiliser le terme ‘Allah’ pour Dieu.
18 octobre 2007 – Après des mois de dispute verbale (les chrétiens n’acceptent pas ce qu’on leur impose), The Herald reçoit la première notification du Ministère de l’Intérieur, suivie d’une seconde lettre, datée du 1er novembre, qui impose l’arrêt des publications en langue malaise, suspendant la licence de l’hebdomadaire. L’Eglise catholique décide de recourir à la Haute Cour, le premier niveau de jugement.
12 février 2008 – Le Ministère de l’Intérieur envoie une nouvelle lettre, exposant les conditions à remplir pour obtenir de nouveau la permission de publier le journal : ne pas utiliser le terme ‘Allah’.
25 avril 2008 – Audience de la Haute Cour: sont présents le directeur de l’hebdomadaire, le P. Lawrence Andrei, et S. Exc. Mgr Murphy Pakiam, Archevêque de Kuala Lumpur et éditeur du journal. L’Eglise présente officiellement son recours.
5 mai 2008 – La Haute Cour décide l’admissibilité du recours et lance la procédure judiciaire, entrant dans le vif du sujet.
8 janvier 2009 – Le gouvernement révoque le ban et permet la publication de l’édition de l’Herald en langue malaise, confirmant l’interdiction d’utiliser le terme ‘Allah’.
26 février 2009 – Le Ministre de l’Intérieur de Malaisie, Syed Hamid Albar, diffuse une ordonnance qui permet aux chrétiens d’utiliser le terme ‘Allah’ pour se référer à leur Dieu, quand il apparaît sur des publications qui sont « expressément destinées aux fidèles chrétiens ».
2 mars 2009 – Volte-face du gouvernement, qui révoque l’autorisation accordée à peine quelques jours auparavant. Après les protestations des groupes fondamentalistes islamiques, le Ministre de l’Intérieur Syed Hamid Albar déclare publiquement que « le gouvernement a commis une erreur », en annonçant que l’interdiction reste en vigueur jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée.
Octobre 2009 – Quinze mille Bibles venant d’Indonésie et destinées à des fidèles chrétiens en Malaisie sont saisies par la police malaisienne. Les autorités confisquent les Bibles, car dans la traduction du texte, elles contiennent le terme ‘Allah’ se référant à Dieu. Les Bibles étaient destinées aux fidèles chrétiens dans la région malaisienne de Sarawak et sont en langue indonésienne (“Bahasa Indonesia”), très semblable à celle malaise.
16 décembre 2009 – Audience devant la Haute Cour de la Malaisie. Les parties expliquent leurs raisons. L’Eglise explique qu’en langue malaise il n’existe que le terme ‘Allah’ pour signifier Dieu, affirmant qu’il n’est pas constitutionnel d’appliquer des restrictions linguistiques ou de culte aux chrétiens malaisiens qui s’expriment en langue malaise.
Les avocats du gouvernement remarquent que tout abus du terme ‘Allah’ constitue une insulte à la religion officielle du pays (l’islam) et à la Constitution fédérale. Selon l’exécutif malaisien, la non utilisation du terme ‘Allah’ ne lèse pas la liberté de culte ou de religion des chrétiens. La Haute Cour fait savoir qu’elle émettra son verdit d’ici fin 2009.
31 décembre 2009: la Haute Cour de Justice de Malaisie, en la personne du juge Lau Bee Lan, émet un verdict favorable à l’Eglise, affirmant le droit de l’hebdomadaire catholique Herald d’utiliser le terme ‘Allah’ pour parler de Dieu.
4 janvier 2010 – Des groupes commencent à se diffuser sur le réseau social Facebook invitant les fidèles musulmans à la protestation, pour défendre le nom d’’Allah’.
6 janvier 2010 – Le gouvernement annonce qu’il fera appel contre le verdict de la Cour. La sentence est suspendue, avec l’accord des parties. L’Eglise catholique, pour une question d’‘intérêt national’, accepte de ne pas utiliser le terme Allah dans les publications tant que l’affaire sera en cours de jugement.
8 janvier 2010 – Des attaques de hackers sur les sites Internet de plusieurs Eglises chrétiennes en Malaisie, avec les inscriptions ‘Allah est réservé aux musulmans”. Dans les premières heures de la matinée, les églises commencent à être attaquées. Des attroupements devant les deux principales mosquées de Kuala Lumpur pour la prière du vendredi avec des slogans de protestation contre les chrétiens. (PA) (Agence Fides 12/1/2010 Lignes 80 Mots 837)