AFRIQUE - Sahel et au-delà : la guerre des mercenaires

samedi, 6 juillet 2024 mercenaires  

Roma (Agence Fides) - Les Russes arrivent", répètent depuis quelque temps les observateurs occidentaux qui scrutent l'arrivée des mercenaires de l'ancienne société militaire privée Wagner au Sahel. Et en particulier dans les États où des juntes militaires ont été mises en place à la suite de coups d'État qui ont chassé les troupes françaises et plus généralement occidentales de leur territoire.
Cela a commencé par le Mali, puis le Burkina Faso et enfin le Niger. Autant de pays qui ont demandé aux militaires français, européens (comme dans le cas du Mali) et américains de fermer leurs bases et de quitter leur territoire. A leur place, plus pour assurer la sécurité des nouveaux dirigeants que pour protéger les populations des djihadistes, sont arrivés les "musiciens" de Wagner, rebaptisés Africa Corpus (Afrikansky Korpus).
Le 25 juin, 20 soldats nigériens sont tombés dans une embuscade et un civil a été tué à Tillabery, dans le sud-ouest du pays, dans la zone des "trois frontières" entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso, où se concentrent les activités des groupes djihadistes des trois pays.
Plus grave encore a été l'affrontement du 11 juin au Burkina Faso, lorsque le Groupe de Soutien à l'Islam et aux Musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, a attaqué la ville de Mansila, dans le nord-est, et le détachement militaire qui s'y trouvait, près de la frontière avec le Niger. Le bilan des pertes militaires n'a pas été publié, mais il semble lourd, à tel point que des rumeurs font état d'émeutes au sein des troupes, mécontentes de la conduite des actions de la junte militaire contre les djihadistes. Cette dernière s'était emparée du pouvoir en promettant de lutter résolument contre les groupes djihadistes. Le chef de la junte militaire a démenti les rumeurs de soulèvement des militaires, en suspendant les émissions nationales de la chaîne française Tv5 qui les avait rapportées. Quelques jours plus tard, les premiers avions transportant des instructeurs militaires russes et leur matériel auraient atterri.
Il semble donc que les Russes aient bel et bien mis le pied au Sahel, mais il y a au moins deux régimes qui ne semblent pas vouloir mettre leur sécurité dans le seul panier de Moscou. C'est le cas du premier pays africain où les hommes de Wagner se sont installés, la République centrafricaine. Les mercenaires russes y ont mis en place leur modèle d'affaires qui combine l'offre de protection et d'assistance militaire avec des concessions commerciales et minières en retour. Mais pour compenser leur ingérence, le président Faustin-Archange Touadéra a invité un contingent militaire rwandais dans le pays, ainsi qu'une société militaire privée américaine (voir Fides 16/3/2024). Le Niger a récemment accueilli le premier contingent de l'Africa Corps dans la base 201 de Niamey, où sont encore stationnés quelques militaires américains. Ces derniers devront quitter le pays à la mi-septembre, abandonnant également la base de drones d'Agadez, qui a coûté 100 millions de dollars et qui est considérée comme stratégique pour le contrôle des mouvements djihadistes dans le Sahel. Mais la junte nigérienne (qui n'a pas encore expulsé le petit contingent italien) a ouvert la porte à une autre puissance très active en Afrique : la Turquie. Celle-ci possède au moins une importante société militaire privée, Sadat, qui recrute des mercenaires syriens dans les régions du centre-nord et du nord-ouest de la Syrie envahies par l'armée turque. Les mercenaires syriens sous contrat avec la société turque sont envoyés du côté nigérien de la zone des "trois frontières". Ankara, qui a déjà vendu des armements, dont les fameux drones Bayraktar, au Niger et au Burkina Faso, semble ainsi se proposer comme contrepoids à l'influence russe. Les Etats de la région ont donc l'opportunité de jouer entre les différentes puissances intéressées par la zone, s'appuyant tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre, pour arracher les meilleures conditions possibles. Certes, les Russes sont arrivés, mais ils ne sont pas seuls. (LM) (Agence Fides 6/7/2024)


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