ASIE/INDE - Augmentation des violences et discriminations à l'encontre des chrétiens en 2020 et extension des lois anti-conversion

jeudi, 21 janvier 2021 droits fondamentaux   liberté religieuse   minorités religieuses   violence   extrémisme   hindouisme   islam  

Nuova Delhi (Agence Fides) – La violence à l'encontre des chrétiens en Inde continue à augmenter et en 2020 ont été enregistrés dans le pays 327 cas de violence à l'égard de personnes ou d'instituts chrétiens. C'est ce qu'affirme l'Evangelical Fellowship of India (EFI) qui, s'appuyant sur des organismes de recherche et de contrôle propres tels que la Commission pour la liberté religieuse et le service téléphonique Helpline a publié son rapport annuel 2020 intitulé « Haine et violence ciblée contre les chrétiens en Inde ». Le texte, parvenu à l'Agence Fides, documente plusieurs des 327 cas de violence précités dont la mise à mort de cinq personnes, l'incendie ou la destruction de six églises et 26 épisodes de boycott ou de discrimination sur base religieuse.
« Il ne s'agit pas du tout d'une liste exhaustive des incidents, nombre desquels demeurent non dénoncés et non enregistrés, à cause de la crainte d'ultérieures atrocités, surtout dans les zones rurales. Les fidèles sont chancelants ou refusent ouvertement de porter plainte dans les cas de violence religieuse à cause de la peur » a déclaré à Fides le pasteur Vijayesh Lal, Secrétaire général de l'EFI.
« La situation de la liberté religieuse en Inde – explique-t-il – doit être vue dans le contexte des poussées qui arrivent du panorama politique dans lequel les partis de la majorité ont modifié des lois ou approuvé de nouvelles mesures défavorables aux minorités de différentes manières » indique le pasteur.
La Commission pour la liberté religieuse note que « l'alphabétisation juridique est décidément inadaptée. La police se refuse régulièrement de prendre les plaintes déposées par les chrétiens. Même si un cas fait l'objet d'une plainte devant les autorités de police, les agresseurs sont rarement poursuivis en justice ». « D'autre part, le plaignant court le risque de subir des rétorsions » affirme le pasteur.
Quant à la méthode de surveillance, les incidents cités dans le rapport susmentionné sont enregistrés pour la première fois par des bénévoles qui transmettent les informations à la Commission qui vérifie ensuite auprès de la victime ou des témoins en contactant également les postes de la police locale.
Sur un total de 327 cas enregistrés, l'Uttar Pradesh se classe premier Etat dans lequel la minorité chrétienne est prise pour cible avec 95 incidents au cours de l'année passée. Le suit le Chhattisgarh avec 55 incidents, la majeure partie de ceux-ci intervenus dans la région tribale du Bastar, désormais saturée de bénévoles d'organisations hindouistes envoyés pour « lutter contre l'influence chrétienne ». Il existe une campagne politique bien planifiée de la part de ces groupes – indique le texte – visant à promouvoir l'hinduité, idéologie qui préconise « l'Inde aux hindous », excluant d'autres communautés religieuses. Au Chhattisgarh, comme dans les régions tribales limitrophes, ces groupes sont libres et disposent d'appuis au niveau politique.
La poussée des groupes extrémistes hindous dans le Jharkhand est semblable à celle enregistrée dans le Chhattisgarh. Elle a porté à des violences et au boycott des chrétiens. Le Jharkhand et le Madhya Pradesh ont enregistré respectivement 28 et 25 incidents. Au Madhya Pradesh, tous les cas ont eu lieu de mars à décembre et au cours des deux premiers mois de l'année, aucun incident n'a été enregistré. En mars, le BJP est arrivé aux affaires au détriment du Parti du Congrès au niveau de l'Etat. Au Tamil Nadu, dans le sud de l'Inde, ont été enregistrés 23 incidents. L'Etat avait enregistré le deuxième nombre de cas en 2019 avec 60 épisodes de violence à l'encontre de la communauté chrétienne.
Selon les données publiées, les mois de mars et d'octobre ont enregistré le plus grand nombre d'incidents dans le pays à l'encontre des chrétiens, avec 39 et 37 incidents. Le moi de mai a en revanché été celui qui a connu le plus faible nombre de cas, avec 12 au total, peut-être du fait du verrouillage imposé dans tout le pays suite à la pandémie de Covid-19.
Un autre développement alarmant rapporté par le document a été l'approbation des Freedom of Religion Acts, connus aussi comme lois anti-conversion dans deux autres Etats indiens – outre les sept dans lesquels elles existaient déjà – gouvernés par le Bharatiya Janata Party (BJP, parti nationaliste hindou également aux affaires au niveau fédéral) conduit par le Premier Ministre Narendra Modi.
Le Rapport note que sont pris également pour cible, au travers de ces nouvelles mesures, les fidèles musulmans, frappés sous le prétexter de freiner le « Love Jihad ». Il s'agit d'un terme désignant de manière négative les mariages entre musulmanes et femmes non-musulmanes, en particulier celles des castes supérieures hindoues. Les lois punissent apparemment les conversions religieuses forcées ou frauduleuses mais, en pratique, elles sont utilisées pour criminaliser toutes les conversions, en particulier dans des contextes non urbains. En outre, les lois en question privent de liberté les femmes hindoues, refusant ou contrôlant leur libre arbitre et les laissant à la merci d'une vision patriarcale encore renforcée par le cadre politique. Les décisions des Hautes Cours de différents Etats, qui ont réaffirmé que les hommes et les femmes adultes sont libres de choisir leurs partenaires, n'ont eu aucun impact en la matière.
Le 31 octobre dernier, Yogi Adityanath, Premier Ministre d'Uttar Pradesh, a annoncé que la loi visant à freiner le « Love Jihad » aurait été approuvée par son gouvernement. En l'absence de discussion législative, elle est devenue loi par le biais d'une ordonnance approuvée par le gouverneur de l'Etat, Anandiben Patel. Avec l'approbation de la mesure sur l'interdiction de conversion, l'Uttar Pradesh est devenu le 8ème Etat d'Inde à introduire une norme anti-conversion. Des lois semblables sont en vigueur en Orissa, au Madhya Pradesh, au Chhattisgarh, au Gujarat, en Himachal Pradesh, au Jharkhand et en Uttarakhand.
En décembre 2020, le Madhya Pradesh a approuvé un projet de loi anti-conversion similaire au texte adopté en Uttar Pradesh, devenant le 9ème Etat ayant adopté ce type de norme. Fin 2020, les Etats gouvernés par le BJP, à savoir l'Uttar Pradesh, le Madhya Pradesh, l'Haryana et le Karnataka, ont prévu de prévenir les présumées « conversions forcées » accomplies par le biais du mariage. La punition de ce délit peut arriver à dix années de réclusion.
Les Etats d'Arunachal Pradesh et du Rajasthan ont approuvé des lois anti-conversion qui ne sont pas entrées en vigueur pour divers motifs alors que le Tamil Nadu a approuvé puis abrogé une mesure similaire.
Les organisations chrétiennes craignent que l'expansion de ces lois anti-conversion portent à réaliser l'un des points du programme du BJP promettant une loi au niveau national visant à « contrôler l'évangélisation de la part de missionnaires », le programme du parti en question imputant à une « conspiration occidentale » la conversion des dalits et des populations tribales des zones rurales et des périphéries urbaines. Ceci, tout comme l'alarme liée à l'explosion de la population islamique du fait du fort taux de natalité enregistré parmi les musulmanes en Inde, alimente une rhétorique selon laquelle « la population hindoue deviendra une minorité en Inde » affirmation qui, selon le rapport, est à la base de la propagande électorale en Inde.
Le résultat de ces lois anti-conversion est que les minorités religieuses peuvent être prises pour cible par quiconque, en particulier par de véritables milices civiles contrôlées par les groupes extrémistes hindous qui sont complices ou promoteurs de la violence. En outre, ces normes obligent la personne accusée de conversion à apporter les preuves de son innocence.
« Nous faisons appel au gouvernement indien et aux gouvernements des Etats afin qu'ils garantissent l'Etat de droit et la sécurité des minorités religieuses en Inde » affirme le pasteur. « Nous faisons appel en particulier aux gouvernements des Etats d'Uttar Pradesh, du Chhattisgarh, du Jharkhand et du Madhya Pradesh afin qu'ils négocient avec les diverses organisations extrémistes qui opèrent dans ces Etats et dont le but principal est de créer une atmosphère de peur parmi la communauté chrétienne et chez les autres minorités religieuses » conclut le pasteur Lal.
La Commission pour la Liberté religieuse de l'EFI a été instituée pour faciliter la réconciliation, promouvoir la liberté religieuse et les autres libertés fondamentales ainsi que pour rechercher la justice pour ceux qui ont été victimes d'abus. Formée en 1998, elle est conçue comme une plate-forme pour l'ensemble des groupes chrétiens protégeant la liberté de religion ou de credo et les autres libertés fondamentales. Depuis 2009, elle publie une liste annuelle d'incidents qui frappent les chrétiens en Inde.
L'Evangelical Fellowship of India (EFI) fondée en 1951 est une alliance nationale de chrétiens évangéliques indiens. Elle comprend plus de 54 dénominations protestantes et congrégations reliées – pour un total de 65.000 communautés – outre 200 agences et organisations missionnaires liées auxdites églises. L'EFI fait partie des fondateurs de la World Evangelical Alliance (WEA), organisation mondiale de communautés chrétiennes évangéliques qui dessert plus de 600 millions de fidèles depuis sa fondation en 1846. (Sd-PA) (Agence Fides 21/01/2021)


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