AFRIQUE/ALGERIE - Retour à la Maison du Père de S.Exc. Mgr Henri Teissier, Archevêque émérite d'Alger, ami de Saint Augustin et frère des nouveaux martyrs

mercredi, 2 décembre 2020 proche-orient   mission   martyrs   théologie   terrorisme   djihadistes   islam  

Alger (Agence Fides) – Le 1er décembre, mémoire du Bienheureux Charles de Jésus (Foucauld), S.Exc. Mgr Henri Antoine Marie Teissier, Archevêque émérite d'Alger, est mort des suites d'un ictus à l'âge de 91 ans, après une vie dédiée avec intelligence à servir et aimer avec passion évangélique le peuple algérien et la mission des communautés chrétiennes disséminées sur cette terre.
Né à Lyon en 1929, il s'était transféré en Algérie alors qu'il était encore un jeune séminariste, étant ordonné en 1955 par celui qui était alors Archevêque d'Alger, S.Em. le Cardinal Léon-Etienne Duval. En 1966, il avait obtenu la nationalité algérienne et en 1972, le Saint Pape Paul VI l'avait nommé Evêque d'Oran. En 1980, il était devenu Coadjuteur de S.Exc. Mgr Duval pour lui succéder en 1988 – et jusqu'en 2008 – à la tête de l'Archidiocèse d'Alger.
Au cours des vingt années de son ministère à la tête de l'Archidiocèse d'Alger, le pays traversa la période noire du terrorisme et des massacres islamistes. Parmi les innombrables victimes de cette époque troublée figurent notamment les 19 religieux et religieuses de l'Eglise locale dont S.Exc. Mgr Pierre Lucien Claverie et les sept moines de Tibhirine assassinés entre 1994 et 1996, lesquels seront proclamés Bienheureux le 8 décembre 2018 à Oran.
« J'ai un souvenir e chacun d'entre eux. Ils étaient mes frères et sœurs. J'avais rencontré chacun d'eux quelques jours avant qu'ils ne soient tués » avait raconté Mgr Teissier dans un entretien accordé à Monde et Mission. Lui-même, à partir de ces années-là, fut contraint à accepter une escorte. « Nos frères et sœurs tués – ajoutait-il en parlant des nouveaux Martyrs d'Algérie – célébraient ou participaient à la Messe chaque jour, conscients que cela aurait peut-être été la dernière fois (…). Ils ont été victimes des violences là où ils vivaient et étaient connus. Les auteurs des attentats voulaient démontrer que ces relations et ce partage devait prendre fin. Cependant il n'en a rien été. La grande majorité des prêtres, religieux, religieuses et laïcs a décidé de rester ».
Au cours des longues années passées au service du peuple algérien et de l'Eglise locale, Mgr Teissier a dédié avec passion son temps et son énergie à la redécouverte et à la divulgation de l'actualité des grandes figures africaines des premiers siècles chrétiens, à commencer par Saint Augustin. « Les européens – expliquait-il – doivent savoir qu'une partie notable de leurs racines chrétiennes latines se trouvent sur la rive sud de la Méditerranée. Les habitants du Maghreb doivent eux aussi connaître le rôle que leurs ancêtres ont eu dans une tradition culturelle et religieuse qui semble désormais complètement étrangère à leur terre : une prise de conscience qui peut également avoir son importance pour les jeunes Eglises d'Afrique qui voient leurs sources spirituelles comme uniquement européennes, oubliant non seulement les origines orientales de la Bible et le développement patristique oriental mais aussi le rôle de l'Afrique romaine ».
Dans une intervention de 2003, l’Archevêque d'Alger rappelait notamment que, « vers 200, au I° Concile de Carthage, on comptait déjà 70 Evêques d'Afrique romaine sous la présidence d'Aggripin. A la même période, dans le nord de l'Italie, on ne sait si existaient d'autres Evêchés à part ceux de Rome, Milan et Ravenne ». Du reste – ajoutait l’Archevêque – l'influence africaine à Rome s'était faite sentir. « Dès 189, Victor, un africain de Leptis Magna, était élu Pape (189-198), démontrant la place que devait occuper l'Eglise en Afrique à Rome dès la fin du II° siècle, sachant qu'elle aurait continué à augmenter aux III° et IV° siècles ».
En 2001, Mgr Teissier avait été protagoniste du grand Colloque sur Saint Augustin organisé à Alger pour redécouvrir l'africanité et l'universalité du Saint Evêque d'Hippone. « Au cours de la crise intégriste dans laquelle le pays a plongé de 1990 à 2000 – rappelait Mgr Teissier – la première bataille pour la liberté, liée à Saint Augustin, a consisté à pouvoir parler librement de lui au sein de la société algérienne » en ce que les intégristes le qualifiait d'infidèle, soumis à « l'impérialisme occidental » de la Rome antique. Selon l’Archevêque, « l'une des plus graves injustices faites à Saint Augustin a été celle de le représenter comme un partisan de la coercition au nom de la vérité ». Ddans ses interventions dédiées aux Saint d'Hippone, Mgr Teissier rappelait combien l'auteur des Confessions et de la Cité de Dieu, après sa conversion à Cassiciacum et le baptême à Milan avait voulu revenir sur sa terre natale pour ne plus l'abandonner et inscrire toute son œuvre au sein de l'Eglise d'Afrique. Cette liberté de se situer à l'intérieur de sa propre culture, Saint Augustin l'exerça aussi à l'intérieur de l'Eglise ».
Dans un entretien accordé en 2001 au mensuel 30Jours, Mgr Teissier soulignait combien était utile pour la mission actuelle de l'Eglise la redécouverte de la figure de Saint Augustin et de sa théologie de la grâce, débordant de suggestions précieuses sur la manière dont il est possible de communiquer la nouveauté chrétienne aux hommes et aux femmes du temps présent. « Nos amis musulmans – indiquait-il dans ce cadre – désirent que la religion ait toute son importance dans la vie globale de la société. Ils n'acceptent pas la distinction entre le temporel et le spirituel qui – plus ou moins facilement – est faite par les chrétiens et disent que toute la civilisation doit être soumise à la loi de Dieu. Lorsque Saint Augustin marche dans la cité de Dieu, il chemine en même temps dans la cité des hommes et indique certainement le caractère essentiel de la cité de Dieu dans l'existence de l'homme mais il n'existe pas de théocratie. L'important n'est pas d'avoir un chef chrétien religieux qui impose par obéissance religieuse ses convictions à la société mais que chacun des croyants s'ouvre à la grâce de Dieu, au don de Dieu ». (GV) (Agence Fides 02/12/2020)


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